17.06.2011 / AUTORITéS PUBLIQUES ET LOCALES VINGT SIXIéME RAPPORT ANNUEL
LE PROGRAMME NATIONAL DE REHABILITATION DES QUARTIERS POPULAIRES
En Tunisie et depuis plus d’un demi-siècle, le phénomène de l’habitat anarchique a représenté une des préoccupations des pouvoirs publics qui ont tenté d’aborder ce phénomène par de multiples façons dans le cadre de politiques sociales et urbaines dont l'efficacité n'a pas été démontrée, ce qui a conduit à la mise en place, en 1992, du Programme National de Réhabilitation des Quartiers Populaires.
Ce programme est passé, depuis son démarrage, par quatre générations
[1] et son coût actualisé a atteint 248,719 MD
[2] à fin mai 2010.
Si ce programme a connu un renforcement de ses interventions qui ont touché 830 quartiers, des améliorations sont encore requises surtout en ce qui concerne les procédures d’élaboration du programme, de financement des projets et leur exécution ainsi que la préservation des acquis.
1)-Elaboration du programme :
Au cours de la période 2005-2008 des bureaux d’études ont été chargés de réaliser des études portant sur 212 communes, et ce, dans le but de faire un diagnostic des besoins en matière d’aménagement et de réhabilitation. Ces études serviront de référence dans l’élaboration des programmes. Or, de nombreuses différences ont été constatées entre les propositions des communes et les résultats des études réalisées en coordination avec les services communaux compte tenu de l’état des quartiers et des critères d’intégration dans le programme.
Les propositions des communes n’ont, parfois, pas respecté les critères d’intégration et n’ont pas tenu compte des crédits disponibles pour le programme ni de la capacité des communes à fournir l’autofinancement nécessaire à la réalisation des projets. En effet, 253 communes ont proposé la réhabilitation de 743 quartiers dans le cadre de la troisième génération du programme. Or, seulement 382 quartiers répondent aux critères d’intégration au programme.
Pour la quatrième génération ,259 communes ont proposé 566 quartiers pour la réhabilitation pour un coût global de 366,976M.D. Or, aucune donnée n'est disponible concernant le respect des critères d’intégration au programme pour le choix de ces quartiers.
Le Ministère de l’Intérieur et du Développement Local a intégré dans le programme des quartiers qui ne répondent pas aux critères d’intégration et ce, conformément aux dossiers préparés par les communes et confirmés par les résultats de l’étude sur le recensement des besoins ou selon les dossiers de diagnostic élaborés par le chef de projet relevant de l’ARRU.
La mission de contrôle a identifié lors des visites effectuées sur le terrain dans les quartiers qui ont bénéficié des interventions du programme, la propagation de noyaux de quartiers non équipés au niveau des périphéries d'environ 30 % des quartiers qui ont été visités (35quartiers).
2-)Financement des troisième et quatrième générations du programme
Pour permettre le financement de la troisième et de la quatrième génération de ce programme, l’Etat a conclu avec l’Agence Française de Développement deux conventions de financement en vertu desquelles
l’agence s'engage à fournir un financement de 40 millions d’euros et de 50 millions d’euros à des conditions relativement favorables. Or, la signature des deux conventions a accusé un retard qui n’a pas permis le démarrage à temps, des travaux programmés durant les premières années des deux générations.
Les communes n'ont pas respecté leurs engagements à transférer les montants dus à l'ARRU au titre de l’autofinancement dans le délai de 45 jours à partir de la dernière date de réception de la notification du transfert de la subvention et du prêt, puisque la durée moyenne de remboursement était de 265 jours pour la troisième génération et de 101 jours pour la quatrième génération du programme. Il en est résulté des impayés à la charge de certaines communes qui ont atteint, au 11 juin 2010, respectivement 474,746 m.D et 298,067 m.D.
Il n'a pas été procédé à une évaluation à posteriori d'un échantillon de projets des deuxième et troisième générations du programme afin d'en apprécier les résultats et de mesure leur impact malgré la disponibilité des crédits à cet effet dans le cadre des conventions de financement.
Les études afférentes au diagnostic des besoins en matière de réhabilitation et d’aménagement se sont limités a inventorier les besoins de 212 communes sur un total de 264. Les besoins des autres communes n’ont pas été définis dans le cadre du financement de la troisième génération du programme et il n’a pas été procédé à une actualisation des résultats de cet inventaire dans le cadre de la convention de financement de la quatrième génération, malgré son importance en particulier, pour la création d’une banque de données permettant l’exploitation des résultats de l’inventaire dans les opérations d’identification des besoins des quartiers en matière de réhabilitation et d’aménagement.
L'insuffisance des crédits alloués au programme comparés aux besoins en matière d’aménagement et de réhabilitation des quartiers programmés constitue parfois une contrainte pour couvrir toutes les composantes de ces quartiers. La situation complexe de certains quartiers exige la conjugaison des efforts pour trouver la solution adéquate pour les problèmes techniques rencontrés.
3-)Mise en œuvre des composantes du programme dans le cadre de la troisième et de la quatrième génération :
Les travaux de contrôle ont démontré la nécessité d’une meilleure maitrise des étapes de préparation des études, de réalisation des travaux et de leur suivi pour qu’elles ne constituent pas un obstacle à la réalisation des objectifs du programme et à la préservation de ses acquis.
Il a été constaté au cours de la période de 2007 à 2009 un retard dépassant parfois 730 jours dans la transmission de certains dossiers par les chefs de projets à la direction du développement et de diagnostic des projets.
Les études ont enregistré un retard dans l’exécution ayant atteint parfois 212 jours et a contribué à différer le démarrage des projets. Selon l’ARRU, ce retard est du à l’octroi de plusieurs études à un même bureau, ou au faible niveau de compétence de certains bureaux.
Les cahiers des charges relatifs aux travaux ne sont pas élaborés avec la précision requise puisque certains articles dont la nécessité apparait au moment de l’exécution, n’ont pas été insérés, ce qui nécessite parfois la conclusion d’un avenant et entraine un retard dans le démarrage des travaux de réhabilitation.
Certains entrepreneurs n’ont pas respecté leurs obligations contractuelles ce qui a engendré un retard dans l’exécution ayant conduit, parfois, à l’annulation des marchés et au lancement d’un nouvel appel d’offres entrainant un retard dans les travaux qui a atteint environ trois ans par rapport aux délais contractuels initiaux.
Certains services de l'ARRU spécialisés dans le renforcement du suivi de l’exécution des projets sont restés vacants depuis 2008 à l'instar de l’unité d’audit technique interne. L’unité de suivi et de contrôle des travaux relevant de la direction des travaux, bien que prévue dans le manuel des procédures de l’Agence, n’a pas été créé à fin juin 2010.
L’exécution des projets a été caractérisée par le non respect de la programmation annuelle. En effet, le taux d’exécution au titre de la troisième génération du programme pour la période 2003-2007 a oscillé entre 3,57 % en 2003 et 75,6 % en 2006. Le taux moyen de respect de la programmation annuelle a atteint 26,7 %.
Malgré la programmation du démarrage des travaux de la quatrième génération pour les quartiers prioritaires durant l’année 2007, les travaux de réhabilitation de ces quartiers n’ont démarré qu'en 2009 et le taux d'exécution a atteint 60% à fin mai 2010.
Les visites sur les lieux effectuées à certains quartiers populaires relatifs aux premières générations du programme ont montré l’absence presque totale des travaux de maintenance qui sont à la charge des communes. Ces dernières ont imputé cette situation à l’insuffisance des ressources affectées à la maintenance comparées aux besoins réels des quartiers. En effet, malgré l’intervention relativement récente du programme, l'état de certains quartiers nécessite la réalisation de travaux de maintenance.
La succession des interventions en vue de l’extension et du renforcement des réseaux ou du traitement de problèmes imprévus, associée au non respect des intervenants publics de leurs engagements à remettre en état l'infrastructure de base avec la qualité requise, a contribué à la détérioration de la situation des quartiers ayant fait l'objet de réhabilitation. Des cas similaires ont été constatés dans environ un quart des quartiers visités.
Bien que la convention de financement de la quatrième génération du programme a prévu l’aménagement de jardins publics et d’espaces verts dans certains quartiers pilotes, rien n'indique que ceci a été réalisé ou même programmé.
la maitrise du phénomène de la construction anarchique et de l’augmentation des besoins de réhabilitation nécessite la mise en place d’une politique intégrée d’urbanisation qui englobe l’intégration du tissu existant et son équipement outre un aspect préventif permanent qui repose sur l’aménagement des terrains environnants des zones d’intervention. Ceci implique l’exercice par les communes de leurs prérogatives pour faire respecter la règlementation et à travers la fourniture de parcelles à caractère social permettant de faire face à l’expansion urbanistique non intégrée.
Le programme exige davantage de renfort, un suivi de ses résultats et l’évaluation de ses acquis en vue de les préserver. Il nécessite une meilleure utilisation des crédits disponibles pour faire connaitre ses réalisations, ce qui est de nature à inciter les bailleurs de fonds étrangers à fournir le financement nécessaire permettant d'élargir le champ d’intervention du programme.
[1] - couvrant les périodes 1992/1996, 1997/2001, 2003/2006 et 2007/2012.
[2] - première génération 47,300 M.D, deuxième génération 69 M.D, troisième génération 87,783 M.D et quatrième génération 44,636 M.D.